Jean GUERY

 

ADIF 02 GUERY

Jean Guéry, Déporté - Résistant

 

 

 

Déporté matricule 78841 à Buchenwald.


 

Jean nous a quitté le 3 octobre 2013, ses obsèques ont été célébrées, le 8 octobre, en l’église Saint-Denis de Le Nouvion en Thiérache, en présence d’une très nombreuse assistance, dont 48 porte-drapeaux. 

Après plusieurs allocutions rappelant sa vie familiale, son métier (commerçant boucher), ses trois mandatures comme Conseiller Municipal de Le Nouvion, sa Présidence d’une Société de chasse,

la Présidente de l’ADIF de l’Aisne a évoqué son passé de Résistant et de Déporté :

 

 

Cher Jean,


- Résistant, Déporté au camp d’extermination de Buchenwald - sont des mots qui qualifient ton implication dans la Libération de la France du joug fasciste-nazi-hitlérien.


Ainsi, Jean, à 20 ans, au mois de mai 1943, tu rejoins la Résistance pour lutter contre les envahisseurs nazis.

Tu as ainsi participé à plusieurs actions de sabotage, de parachutage d’armes en particulier ce parachutage du 6 août 1944 – annoncé aux responsables du groupe par ce message de la BBC : « Les cigognes vont arriver ».

Vous avez ainsi accueilli un « Chef saboteur » et 4500 kilos d’armes.

Mais des collaborateurs (français acceptant l’invasion nazie) sont à l’affut, ils livrent les noms de plusieurs Résistants à l’envahisseur. 

Le 10 août suivant, le Chef de la Résistance FFI locale - Gédéon POIZOT - est massacré dans une forêt voisine.

Puis le 12 août, tu es arrêté par la Milice française avec plusieurs de tes camarades.

Tu es d’abord détenu au Lycée Henri Martin - siège de cette milice - où tu es torturé par plusieurs miliciens, à tel point que ton visage est méconnaissable.

Sous ces tortures, tu n’as dénoncé aucun de tes camarades, ni aucune personne qui avait pu protéger les Résistants.


 Tu es transféré à la prison de Saint-Quentin, puis au camp de Royallieu-Compiègne et de là, le 18 août 1944, avec de nombreux camarades, tu es dirigé vers la forêt où l’on vous entasse dans les wagons d’un train de marchandises.

Ce voyage dure plusieurs jours et c’est l’horreur, car vous souffrez de la faim, de la soif, de la chaleur (30°), du manque d’air et d’hygiène.

A l’arrivée, le 21 août, beaucoup de camarades très affaiblis et des morts, seront dirigés vers les chambres à gaz ou les fours crématoires.

Vous, les survivants, vous découvrez le camp d’extermination de Buchenwald entouré de clôtures électrifiées et de miradors.

Ce camp où seront massacrés 56 000 hommes de toute nationalité – dont 16000 juifs.

Tu deviens le matricule 78841.

Le camp est surchargé, vous devez coucher à « la belle étoile » durant une quinzaine de jours et construire vos dortoirs – « vos blocks » à l’aide de pierres extraites de la carrière voisine.

Ces pierres, vous deviez les transporter sur vos épaules, et ne pas les choisir trop légères, sous peine de recevoir des coups de schlague et une surcharge complémentaire.

C’était le début du martyre que vous allez subir durant 8 mois.

Les journées sont épuisantes.

Réveillés tôt le matin, revêtus de votre légère tenue rayée qui vous sert également de pyjama, vous avez droit à une rapide toilette succincte, un petit déjeuner composé d’un liquide noir et d’une tranche de pain.

Mais avant de partir pour le travail, il y a   l’APPEL (cet appel relativement rapide le matin – à condition que vous ayez pris soin d’emmener les morts et les mourants, afin que votre nombre soit identique à celui de la veille au soir) - Cet appel, renouvelé le soir ou à tout autre moment, pouvait durer plusieurs heures par tous les temps.

Vos forces diminuent de jour en jour, car la nourriture est souvent une soupe composée d’ingrédients inconnus accompagnée d’un petit morceau de pain. 

Aussi au travail, les coups de schlague s’intensifient sur vos corps amaigris, pour tenter d’accélérer la cadence.

Inutile de tenter une rébellion car c’est la mort immédiate.


Jean tu nous rappelais des faits qui t’avaient particulièrement marqué dans ce camp :

·         Le départ au travail et le retour étaient accompagnés par un orchestre russe.

·         Un chien électrocuté avait été dévoré - cru - par plusieurs Déportés.

·         Un jour, le sol, auprès de la salle de douches, était jonché d’une centaine de cadavres.

Vous en avez déduit que les robinets, n’avaient pas « craché » de l’eau, mais un gaz mortel.

·         Ton passage à l’infirmerie pour une dysenterie. Là, en quelques jours tu as énormément maigri et vu partir vers les fours crématoires, ou une grande fosse, des centaines de tes camarades.

·         Vous deviez assister aux « cérémonies » organisées pour les pendaisons et étiez « obligés » de regarder les victimes (ou les coups de schlague pleuvaient) – pendaisons accompagnées par l’orchestre des Déportés russes.

 

La mort pouvait intervenir à tout instant.


Face à l’avancée des Alliés libérateurs, ton camp a été évacué en mars 1945 et durant un mois vous avez été, à pied, de camp en camp, accomplissant des travaux pénibles, redoutant l’exécution immédiate pour la moindre entorse aux ordres ou pour une trop grande faiblesse physique.

Il fallait survivre, aussi avec plusieurs de tes camarades, dans la nuit du 14 au 15 avril, vous avez réussi à vous glisser dans la forêt proche et avez rampé pendant 6 à 7 km.

Vous avez erré durant 3 jours, vous dirigeant vers les détonations émanant du Front des Alliés, mangeant tous les fruits et racines que vous pouviez trouver.

Enfin, vous vous trouvez face à un Américain très stupéfait : au premier coup d’œil, il a cru voir des Êtres venant d’une autre planète : vous étiez des squelettes de 40 kilos, sales, avec de longues barbes parsemées de farine, farine que vous aviez trouvée et avalée goulûment.

Vous étiez libres !!!


Le retour en France n’aura lieu qu’un mois plus tard, il fallait reprendre des forces et l’organisation des retours était surchargée.

Vous êtes arrivés à Paris le 8 mai et avaient été dirigés vers l’hôtel Lutetia.

Le 15 mai 1945, avec ton Ami Maurice Mascetti qui ne t’a jamais quitté, c’est le grand retour à Vaux-Andigny où vous avez été accueillis par tous les villageois en liesse.

Après avoir retrouvé la santé, tu as construit ta vie qui vient d’être évoquée par ta Famille et des Amis.


Afin que les générations futures ne connaissent pas de telles atrocités, avec tes camarades survivants, vous avez fait connaître les horreurs subies dans les camps de concentration par des conférences, notamment auprès des lycéens, des collégiens.

Vous avez rejoint l’UNADIF et avez créé notre ADIF de l’Aisne, qui en votre absence, doit continuer le combat contre l’oubli.

Jean tu en étais l’un des Vice-Présidents et durant de nombreuses années tu as porté le Drapeau de sa Section Mennevret-Wassigny - Drapeau qui t’accompagne aujourd’hui porté par Jacques.

Jean, tu as hautement mérité d’entrer dans l’Ordre national des Chevaliers de la Légion d’Honneur, de recevoir la Médaille Militaire, la Croix de Guerre 1939-1945, la Croix du Combattant, la Croix du Combattant volontaire 1939-1945, la Croix du Combattant volontaire de la Résistance, la Médaille de la Déportation pour faits de Résistance, la Médaille commémorative de la Guerre 1939-1945.

Jean ; nous les Membres de l’Association des Déportés, auxquels se joignent les Membres de la Section de l’Aisne de la Légion d’Honneur, les Membres de la 981ème Section des Médaillés Militaires, présentons nos condoléances émues et souhaitons beaucoup de courage pour faire face à ton absence terrestre, à ton Epouse Paulette, à ton fils Jean-Paul et à son Epouse, à tes trois Petites-Filles et à leurs Conjoints, à Téo ton arrière-Petit-Fils, et à toute ta Famille.

 

Au revoir Jean. Merci d’avoir contribué à nous rendre une France libérée du joug nazi.

 


          

   Mireille LEGRAND


Présidente départementale de l’ADIF de l'Aisne

 

Membre du Bureau national de l’UNADIF


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