Jean DENIS

 

Nous avons l'immense tristesse de vous faire part du décès de Monsieur Jean Denis, dans sa 91ème année, Vice-Président de l'ADIF de La Charente, Déporté-Résistant à Dachau et Allach.

Ses obsèques ont été célébrées le 4 mars 2014 en l'Eglise de Ségonzac, son village.

 

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Jean DENIS

 


Allocution de Madame Andrée Gros, Secrétaire générale adjointe de la FNDIR, Présidente de l'ADIF de Charente :

 

Mon cher Jean, aujourd’hui, j’ai le privilège mais aussi la très grande tristesse, au nom de notre Association de Déportés, Internés et des Familles de Disparus, de rappeler ton courageux passé de Résistant et de Déporté.

Résistant-Déporté, quel peut être en 2014, la signification exacte d’une telle aventure pour les générations qui n’ont pas connu l’occupation allemande fondée sur la terreur permanente de la police de Vichy, de la Gestapo et l’enfer des camps de concentration ?

Jean, en 1940, tu avais à peine 17 ans, tu étais ouvrier agricole près de Rouillac. C’était une tragique époque pour la France. Notre Drapeau tricolore était remplacé par la Croix gammée, l’emblème des nazis. C’était insupportable. Tu faisais partie de ceux qui n’acceptaient pas cette défaite humiliante. Tu avais eu comme exemple familial : ton père, Combattant de 14-18, gazé et blessé en 1917.

En février 1941, tu quittes ton travail près de Rouillac pour franchir clandestinement la ligne de démarcation afin de rejoindre ta famille en Charente-limousine où tu travailleras dans les bois avec ton père.

En juillet 1943, tu es appelé aux chantiers de jeunesse avec les jeunes de ton âge. Tu éprouves un rejet instinctif de travailler au profit des Allemands, même si c’est une tâche qui concerne seulement les bois et l’agriculture. Ne trouvant aucun contact avec la Résistance, tu es obligé de te rendre à la convocation dans le département du Cher, puis de l’Indre.

Une information de Londres fait part des départs en Allemagne, tu décides de prendre le risque de t’évader et de trouver un maquis pour servir utilement ton Pays en devenant un "hors-la-loi". C’est ainsi qu’après maintes péripéties, tu entres au sein du maquis de Cussac en Haute-Vienne, dans la forêt de Boubon sous le nom de "Marcel". Une descente de police désorganise ton groupe. Tu rejoins alors l’Armée Secrète (A.S.) avec  6 camarades déterminés comme toi. C’est dans les murs d’un ancien moulin à Cros que vous organisez  le maquis de Cros auquel se joindront quelques "terroristes" comme toi. Vous commencerez  par distribuer des tracts.

Le 27 novembre 1943, suite à une dénonciation, un important détachement des Groupes Mobiles de Réserve (GMR) arrêtent ton groupe de 10 courageux jeunes gens.

Menottés et bousculés, c’est à la prison de Limoges que tu seras jugé et condamné à dix mois de prison et mille francs d’amende.

Le 13 mars 1944,  tu es envoyé à la terrible prison centrale d’Eysses dans le Lot-et-Garonne. Le régime est extrêmement sévère à la suite d’une révolte, qui eut lieu en février, et qui a occasionné 12 fusillés. Sous le n°3351, tu es mis au quartier cellulaire.

Le 30 mai 1944, tu es livré aux autorités allemandes. C’est le départ, en colonnes, sous les coups de crosses, les mains jointes sur la tête. Les prisonniers quittent, à pied, la Centrale d'Eysses et sont escortés par les automitrailleuses de la Division SS "Das Reich" jusqu'à la gare de Penne d'Agenais distante de cinq kilomètres (Cette Division SS commettra quelques jours plus tard, le 9 juin, le massacre de 99 hommes à Tulle et, le 10, le massacre des 642 habitants, toute la population d'Oradour-sur-Glane, ). Un train de wagons de marchandises vous transporte pour un voyage infernal de 4 jours  jusqu’à Compiègne-Royallieu, camp d’internement. Arrivé le 3 juin à Compiègne, tu y es interné avant de quitter la France, ta Patrie, pour ce que les gardiens nommaient « le transport ». Tu as subi, pendant 3 jours et 2 nuits, du 18 au 20 juin 1944, l’effroyable transport, entassé avec tes camarades dans des wagons de marchandises, dans les conditions les plus inhumaines.

La destination de ce convoi est le sinistre camp de Dachau (construit en 1933) destiné à faire disparaître tous ceux qui ne correspondaient pas aux normes nazies. Tu seras confronté à la plus grande entreprise de mort et de déshumanisation de tous les temps. Tu seras désormais  le matricule 73 350 en tenue rayée de bagnard. Tu fais la connaissance d'un Interné allemand ayant le matricule 7, il est dans ce camp depuis 11 ans (depuis 1933).

Après une quinzaine de jours, cette organisation infernale t’a conduit au camp d’Allach, le plus grand kommando dépendant  de Dachau. On sait que la plupart des kommandos représentaient l’extermination par le travail forcé.

12 heures de dur travail par jour, soit de journée, soit de nuit, dans une usine BMW, à la fabrication de pièces pour les moteurs d'avions. Travail, où toi et tes camarades parvenaient à saboter les pièces ou les machines-outils, malgré la surveillance des gardiens. Puis les appels interminables par tous les temps, pratiquement nus, le froid, les morsures des chiens des gardiens, les punitions, la faim, la soif, la vermine, les coups, les humiliations quotidiennes et la potence où les récalcitrants ou "saboteurs" étaient pendus en présence de tous les détenus avec l'obligation de regarder les pendaisons jusqu'à l'issue fatale.

Mais, heureusement aussi, que pouvaient les bourreaux contre une volonté tenace pour soutenir les plus faibles. Combien de fois m’as-tu fait part de la solidarité au camp : malgré les privations extrêmes, un petit morceau de pain retiré de ta maigre ration, apporté en cachette au Revier. "Je préfère donner que recevoir" telle était ta conception de la camaraderie. 

 Le 30 avril 1945,  tu retrouves la liberté, les troupes américaines libèrent le camp.

C’est seulement, un mois plus tard, le 31 mai que tu arrives à la gare d’Angoulême. Tu es vivant et tu rentres chez toi. Coïncidence ! Un an plus tôt, le 31 mai 1944, tu quittais ton cher Sud-Ouest pour le camp d'internement de Compiègne-Royallieu, avant la déportation.

Tu retrouves tes parents et La Charente libérée depuis 9 mois, tu fondes une famille. Les souvenirs resteront gravés dans ta chair et dans ton coeur.

Tu as participé à notre association de déportés dès le début, avec une grande discrétion concernant ton passé de victime de l’idéologie nazie.

C’est seulement, après quelques années que tu as trouvé les mots pour t’exprimer et le dire.

Tu me surnommais « ta petite sœur de misère ». Parfois, les souvenirs pesaient trop lourd, tu m'as raconté et, nous nous épanchions un peu plus dans nos mémoires d’un passé toujours présent.

Pour être plus près de tes amis de misère et pour tes amis disparus tu as accepté des responsabilités au sein de l’A.D.I.F. et de l’O.N.A.C. :

Dès 1967, tu es nommé membre de la commission pour la section des Déportés et Internés Résistants et politiques, puis membre du Conseil départemental des Anciens Combattants et Victimes de guerre de la mémoire de la Nation.

En 1978, Vice-Président de la section A.D.I.F. de Cognac.

En 1990, membre de la commission départementale des Anciens Combattants et Victimes de guerre à la mémoire de la Nation et membre de la commission de la section des Combattants Volontaires de la Résistance jusqu’à sa dissolution .

En 1994, membre du Conseil d’administration de l’ A.D.I.F de La Charente, puis Vice-Président depuis 2003.

Tes témoignages étaient très appréciés au musée de la Résistance et de la Déportation, également  dans les établissements scolaires dans le cadre du Concours National de la Résistance et de la Déportation, ainsi que dans tes nombreux pèlerinages à la Centrale d’Eysses et au camp de Dachau, auprès de jeunes Allemands.

tu as participé à des organisations et présentations d’expositions.

Mon cher Jean, Nous n’oublierons jamais ta si grande gentillesse envers tous, ta droiture, ta tolérance, ta fidélité aux associations de Résistants et de Déportés.

Tu aimais ces devises de Déporté : "Plus jamais ça" et "Ni haine, ni oubli". 

La Nation reconnaissante t’a fait :

- Chevalier dans l’Ordre national de la Légion d’Honneur,

et t’a attribué :

- La Médaille Militaire,

- La Croix de Guerre 1939-1945 avec palme,

- La Croix du Combattant,

- La Croix du Combattant Volontaire,

- La Croix du Combattant Volontaire de la Résistance ,

- Le Titre de Reconnaissance de la Nation,

- La Médaille de la Déportation pour Faits de Résistance.

Après la guerre, tu as reçu la notification de ton homologation au grade de Sergent-Chef pour tes actions de Résistance au sein de l'Armée Secrète (A.S.) pour prendre rang le 9 juin 1944.

   

A vous Michèle et Raymond, sa fille et son gendre, qui l’avez tant soutenu dans ses dernières années si pénibles avec sa maladie, à toute sa famille et amis, l’Association des Déportés, Internés et Familles de Disparus partage votre peine et vous présente ses plus affectueuses condoléances.

 

Andrée GROS

Présidente de l'ADIF de La Charente

 

 La FNDIR et l'UNADIF renouvellent leurs plus sincères condoléances à toute la famille de notre ami Jean Denis.

 Nous n'oublierons jamais son extrême gentillesse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

UNADIF - FNDIR