Commandant Hélie DENOIX de SAINT MARC
Hélie Denoix de Saint Marc, Grand Croix dans l'Ordre national de la Légion d'Honneur (photo d.r.)
Hélie Denoix de Saint Marc ou Hélie de Saint Marc, né le 11 février 1922 à Bordeaux et décédé le 26 août 2013 à La Garde-Adhémar (Drôme), est un ancien Résistant et un ancien Officier d'active de l'Armée française, ayant servi à la Légion étrangère, en particulier au sein de ses unités parachutistes. Commandant par intérim du 1er Régiment étranger de parachutistes (1er REP), il prend part à la tête de son régiment au putsch des généraux en avril 1961.
Résistance et déportation
Hélie de Saint Marc entre dans la Résistance (réseau Jade-Amicol) en février 1941, à l'âge de dix-neuf ans après avoir assisté à Bordeaux à l'arrivée de l'Armée et des autorités françaises d'un pays alors en pleine débâcle. Arrêté le 14 juillet 1943 à la frontière espagnole à la suite d'une dénonciation, il est déporté au camp de concentration nazi de Buchenwald.
Envoyé au camp satellite de Langenstein-Zwieberge où la mortalité dépasse les 90 %, il bénéficie de la protection d'un mineur letton qui le sauve d'une mort certaine. Ce dernier partage avec lui la nourriture qu'il vole et assume l'essentiel du travail auquel ils sont soumis tous les deux. Lorsque le camp est libéré en 1945 par les Américains, Hélie de Saint Marc gît inconscient dans la baraque des mourants. Il a perdu la mémoire et oublié jusqu’à son propre nom. Il est parmi les trente survivants d'un convoi qui comportait plus de 1 000 déportés.
À l'issue de la Seconde Guerre mondiale, âgé de vingt-trois ans, il effectue sa scolarité à l'École spéciale militaire de Saint-Cyr, au sein de la promotion Veille au Drapeau (1943)
La guerre d'Indochine
Hélie de Saint Marc part en Indochine française en 1948 avec la Légion étrangère au sein du 3ème REI. Il vit comme les partisans vietnamiens, apprend leur langue et parle de longues heures avec les prisonniers Viêt-minh pour comprendre leur motivation et leur manière de se battre.
Affecté au poste de Talung, à la frontière de la Chine, au milieu du peuple minoritaire Tho, il voit le poste qui lui fait face, à la frontière, pris par les communistes chinois. En Chine, les troupes de Mao viennent de vaincre les nationalistes et vont bientôt ravitailler et dominer leurs voisins vietnamiens. La guerre est à un tournant majeur. La situation militaire est précaire, l'Armée française connaît de lourdes pertes. Après dix-huit mois, Hélie de Saint Marc et les militaires français sont évacués, comme presque tous les partisans, mais pas les villageois. « Il y a un ordre, on ne fait pas d'omelette sans casser les œufs », lui répond-on quand il interroge sur le sort des villageois.
Son groupe est obligé de donner des coups de crosse sur les doigts des villageois et partisans voulant monter dans les camions. « Nous les avons abandonnés ». Les survivants arrivant à les rejoindre leur racontent le massacre de ceux qui avaient aidé les Français. Il appelle ce souvenir des coups de crosse sur les doigts de leurs alliés sa blessure jaune et reste très marqué par l'abandon de ses partisans vietnamiens sur ordre du haut-commandement.
Il retourne une seconde fois en Indochine en 1951, au sein du 2ème BEP (Bataillon étranger de parachutistes), peu de temps après le désastre de la RC4, en octobre 1950, qui voit l'anéantissement du 1er BEP. Il commande alors au sein de ce Bataillon la 2ème CIPLE (Compagnie indochinoise parachutiste de la Légion étrangère) constituée principalement de volontaires vietnamiens. Ce séjour en Indochine est l'occasion de rencontrer le chef de bataillon Raffalli, chef de corps du 2ème BEP, l'Adjudant Bonnin et le Général de Lattre de Tassigny chef civil et militaire de l'Indochine, qui meurent à quelques mois d'intervalle.
Guerre d'Algérie et putsch des généraux
Recruté par le général Challe, Hélie de Saint Marc sert pendant la guerre d'Algérie, notamment aux côtés du général Massu. En avril 1961, il participe – avec le 1er REP (Régiment étranger de parachutistes), qu'il commande par intérim – au putsch des généraux, dirigé par Challe à Alger. L'opération échoue après quelques jours et Hélie de Saint Marc décide de se constituer prisonnier.
Comme il l'explique devant le Haut Tribunal militaire, le 5 juin 1961, sa décision de basculer dans l'illégalité était essentiellement motivée par la volonté de ne pas abandonner les harkis, recrutés par l'armée française pour lutter contre le FLN, et ne pas revivre ainsi sa difficile expérience indochinoise. À l'issue de son procès, Hélie de Saint-Marc est condamné à dix ans de réclusion criminelle. Il passe cinq ans dans la prison de Tulle avant d'être gracié, le 25 décembre 1966.
Années 1960 à aujourd'hui
Après sa libération, il s'installe à Lyon avec l'aide d'André Laroche, le président de la Fédération nationale des déportés et internés de la Résistance (FNDIR) et commence une carrière civile dans l'industrie. Jusqu'en 1988, il fut directeur du personnel dans une entreprise de métallurgie.
En 1978, il est réhabilité dans ses droits civils et militaires.
En 1988, l'un de ses petits-neveux, Laurent Beccaria, écrit sa biographie, qui est un grand succès. Il décide alors d'écrire son autobiographie qu'il publie en 1995 sous le titre de Les champs de braises. Mémoires et qui est couronnée par le Prix Fémina catégorie « Essai » en 1996. Puis, pendant dix ans, Hélie de Saint-Marc parcourt les États-Unis, l'Allemagne et la France pour y faire de nombreuses conférences. En 1998 et 2000, paraissent les traductions allemandes des Champs de braises (Asche und Glut) et des Sentinelles du soir (Die Wächter des Abends) aux éditions Atlantis.
En 2001, le Livre blanc de l’armée française en Algérie s'ouvre sur une interview de Saint Marc. D'après Gilles Manceron, c'est à cause de son passé de résistant déporté et d'une allure différente de l'archétype du « baroudeur » qu'ont beaucoup d'autres, que Saint Marc a été mis en avant dans ce livre
En 2002, il publie avec August von Kageneck — un officier allemand de sa génération —, son quatrième livre, Notre Histoire, 1922-1945, un récit tiré de conversations avec Étienne de Montety, qui relate les souvenirs de cette époque sous la forme d'entretiens, portant sur leur enfance et leur vision de la Seconde Guerre mondiale.
À 89 ans, il est fait Grand-Croix dans l’Ordre national de la Légion d'honneur, le 28 novembre 2011, par le Président de la République, Nicolas Sarkozy
Il meurt le 26 août 2013 Il est inhumé au cimetière de la Garde-Adhémar (Drôme), le 30 août
Décorations
- Grand-Croix dans l’Ordre national de la Légion d'honneur, en date du 25 novembre 2011
- Croix de guerre 1939-1945 avec 1 citation
- Croix de guerre des TOE avec 8 citations
- Croix de la valeur militaire avec 4 citations
- Médaille des évadés
- Médaille de la Résistance française
- Croix du combattant volontaire de la Résistance
- Croix du combattant
- Médaille coloniale avec agrafe « Extrême-Orient »
- Médaille commémorative de la guerre 1939-1945
- Médaille de la déportation pour faits de Résistance
- Médaille de l’internement pour faits de Résistance
- Médaille commémorative de la campagne d'Indochine
- Médaille commémorative des opérations du Moyen-Orient (1956)
- Médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre en Afrique du Nord (1958) avec agrafes « Algérie » et « Tunisie »
- Insigne des blessés militaires (2)
- Officier dans l'ordre du mérite civil Taï Sip Hoc Chau
Ouvrages
- Les Champs de braises. Mémoires avec Laurent Beccaria, édition Perrin, 1995, Prix littéraire de l'armée de terre - Erwan Bergot en 1995, Prix Femina essai en 1996.
- Les Sentinelles du soir, édition Les Arènes, 1999
- Indochine, notre guerre orpheline, édition Les Arènes, 2000
- Notre histoire (1922-1945) avec August von Kageneck, conversations recueillies par Étienne de Montety, édition Les Arènes, 2002
- Die Wächter des Abends, Édition Atlantis, 2000
- Asche und Glut. Erinnerungen. Résistance und KZ Buchenwald. Fallschirmjäger der Fremdenlegion. Indochina und Algerienkrieg. Putsch gegen de Gaulle, Édition Atlantis, 1998, 2003
- Toute une vie ou Paroles d'Hélie de Saint Marc écrit en collaboration avec Laurent Beccaria, volume comprenant un CD audio d'émission radiophonique, édition Les Arènes, 2004
- La Guerre d'Algérie 1954-1962, avec Patrick Buisson, préface de Michel Déon (avec DVD), Albin Michel, 2009
- Lettre à la jeunesse d'Hélie de Saint Marc
- L’Aventure et l’Espérance, édition Les Arènes, 2010
Bibliographie
- Laurent Beccaria, Hélie de Saint-Marc, éd. Perrin, 1989 ; rééd. « Tempus », 2008.
Filmographie
Georges Mourier, Servir ? (Hélie de Saint Marc), 52', DVD, éditions À l'Image Près, 2008
Source : wikipedia
Gérard BOCQUERY UNADIF
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L’hommage à un homme de conviction.
Il fut l’un des tout premiers que nous avions rencontré dans le cadre de nos entretiens
pour la nouvelle formule du Déporté pour la Liberté.
Hélie Denoix de Saint-Marc est décédé le 26 août dernier.
Ses obsèques se sont déroulées le 30 août à la primatiale Saint Jean-Baptiste de
Lyon et la messe a été célébrée par le cardinal Barbarin.
François Perrot, Président de la FNDIR et André Laroche, Président honoraire, ont
représenté nos Associations.
Hélie Denoix de Saint-Marc avait 91 ans.
Qu’on nous permette ici de rendre un hommage vibrant à cet incomparable homme
de devoir qui s’était confié à nous, malgré la maladie et la souffrance...
C’était le 4 décembre 2008, un de ces jours de sale hiver, quand la pluie et le ciel bas
enveloppent Lyon d’un gris muraille qui désespère le plus optimiste des hommes.
Avec André Laroche, l’un de ses plus fidèles compagnons, devenu depuis des années
son visiteur hebdomadaire, nous avions rendez-vous avec Hélie de Saint-Marc.
Un véritable homme de conviction
Dans la voiture que conduisait prudemment André, les images se bousculaient dans ma
tête. Hélie de Saint-Marc et sa biographie écrite par un de ses petits-neveux, Laurent
Beccaria, sous les questions de Bernard Pivot dans un “Apostrophes” resté célèbre vers
la fin des années 80. Immédiatement, l’envie d’acheter le livre, sa lecture passionnée et
passionnante, la découverte d’un homme rempli de si belles valeurs et par-dessus
toutes, parmi les plus belles, le courage et la conviction...
Ce regard clair, paisible, serein qu’on imagine sans peine délavé par les évènements
d’une vie hors norme.
Ce jour-là, cet après-midi-là, la rencontre n’eut pas lieu. Sa fidèle épouse Manette nous
ouvrit la porte. Elle avait la mine des mauvais jours. “Hélie ne va pas bien du tout
aujourd’hui. Il souffre. Il n’a plus de force...” Et cette voix, aussitôt venue de la chambre
voisine, cet appel à nous rencontrer. Malgré tout...
Quelques mots à André, un pâle sourire et une faible poignée de main, et nous revoilà
déjà dans l’entrée. Manette s’excuse, nous lui disons de tout coeur qu’il ne faut pas
s’excuser en de telles circonstances. Nous comprenons. Evidemment, nous
comprenons...
Nous essaierons de revenir quand Hélie ira mieux. Et ce mieux-là sera pour beaucoup
plus vite que nous avions pensé. Dans la semaine qui suit, Manette rappelle. “Il va
infiniment mieux, si vous êtes OK pour samedi prochain, il pourra vous recevoir...”
Ce fut donc le samedi 11 décembre 2008. Ce jour-là, Hélie de Saint-Marc nous reçut
assis sur le canapé du salon, encore faible mais l’esprit aiguisé et le regard toujours
aussi serein.
Un jour mémorable, pour un journaliste. Une de ces journées où l’on croise l’être
exceptionnel qui accepte de se raconter sans limite et sans entrave. Des mots plus
souvent murmurés que proclamés, mais des mots qui marquent, empreints d’une force
de conviction exceptionnelle, les mots d’un homme qui est une référence morale...
Leçons de courage
“Les atrocités que j’ai connues quand j’avais 18-20 ans avec les drames de la seconde
guerre mondiale, puis ceux du Goulag, la guerre civile en Chine... Est-ce que l’homme
progresse, me demandez- vous ? Est-ce qu’il est perfectible ? Ce que nous apprenons
aujourd’hui à la vitesse grand V grâce aux moyens modernes de communication est-il
pire ou moins pire que ce qui s’est passé il y a un siècle, même si nous l’avons appris
avec un décalage terrible ?.. Je ne sais pas. En tous cas, la réponse est moins simple
que la question. La jeunesse est toujours avide de repères, de générosité et d’idéaux.
Est-elle différente de ce que nous étions à leur âge, meilleure, pire ?.. Ce que je crois,
c’est qu’elle est plus informée mais cette information est une information “zapping”.
Au sein de l’humanité d’aujourd’hui, je pense qu’il y a autant de salauds qu’autrefois,
sous des formes différentes car nous connaissons l’existence de crimes atroces et
de conflits tragiques un peu partout dans le monde. Regardez ce qui s’est passé au
Darfour par exemple ou au Pakistan. Je crains que la nature humaine soit ainsi.
Le bien et le mal s’entremêlent étroitement. Sur ce plan, il n’a pas tellement d’évolution,
le mal et le bien, la lâcheté et le courage coexistent en chacun de nous. Un homme
lâche se révélera très courageux un autre jour. Un “grand” homme a toujours été un jour
ou l’autre de sa vie un pauvre homme. Aucun d’entre nous n’échappe à cela...”
Ce furent parmi les mots les plus importants que prononça Hélie de Saint-Marc ce
jour-là. Avec ceux-là, aussi : “Je n’aime pas ceux qui décident qui est un salaud et
qui est un type très bien.
Deux de mes camarades étudiants sont morts sous l’uniforme allemand car ils avaient
été convaincus par un professeur fasciste de mener la croisade contre le communisme.
Qu’est-ce qu’il aurait fallu pour que je choisisse moi aussi ce camp-là ? Il faut savoir
pratiquer l’humilité et comprendre avant de juger. “Pour l’aider à comprendre avant qu’il
ne juge...”: c’était la dédicace que j’écrivais sur mes livres lors de mes conférences...”
Hélie de Saint-Marc, le survivant des camps, l’officier de la Légion étrangère en
Indochine, le commandant du 1er REP à Alger qui choisit la sédition pour protester
contre la politique du Général de Gaulle en Algérie, l’emprisonné, le réhabilité, l’écrivain,
l’ami fidèle, l’homme qui n’avait jamais honte de confier ses doutes profonds nous a
quitté lors d’une belle journée d’été.
Il y a des rencontres qu’on ne pourra jamais oublier. Celle de cet homme de conviction
aux yeux si clairs et à la parole si douce en fut une.
Reste l’envie de dire “Merci”, tout simplement...
Jean-Luc Fournier.
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