Christian DESSEAUX

Christian DESSEAUX

 

Christian Desseaux, Déporté-Résistant, vient de nous quitter le 9 avril 2019 à l'âge de 93 ans.

Déporté à Buchenwald et Dora.

Christian naquit le 4 mars 1926 à Margny-lès-Compiègne. Il a trois frères.
Son père est Colonel de l’armée française.

Il a 13 ans ½ à la déclaration de guerre en septembre 1939. À 14 ans et quelques mois, durant la débâcle de 1940, il se retrouve à Dunkerque où, trichant sur son âge, il essaie d’embarquer avec les soldats anglais pour gagner leur pays, mais il est refoulé, car trop jeune.

Il regagne le domicile familial, à Margny-lès-Compiègne, lors d’un périple de plusieurs jours à l’aide d’une bicyclette « prélevée » dans un lot de vélos destiné à la gendarmerie.

Bien que très jeune, il ne supporte pas la collaboration avec l’envahisseur allemand. Avec deux camarades collégiens, il se livre à des actions pour « pourrir » la vie des soldats allemands : vélos crevés, fils de téléphone sectionnés, vol de parties d’uniformes allemands, quand ceux-ci sont dans les bistrots, traçage à la chaux de V et de Croix de Lorraine sur les murs.

Repérés par des résistants qui les mettent en garde contre leur témérité, et leur inorganisation, ils entrent au début de 1943 dans le Réseau de Résistance "Jean-Marie" du Colonel Maurice Buckmaster, "groupe des Bleuets" avec lequel il participera à des actions structurées : transport d’armes ou de radio entre Compiègne et Paris, espionnage dans un état-major allemand, parachutage d’armes…

À 17 ans, le 14 juillet 1943, à l’aube, il est arrêté brutalement, dans la maison de ses parents après dénonciation par deux espions qui avaient infiltré le "groupe des Bleuets". Il est interrogé à la kommandantur de Compiègne où il retrouve les autres membres du groupe arrêtés lors du même coup de filet. Il est transféré à la prison de Saint-Quentin où il restera trois mois. Il y sera interrogé, torturé, enfermé au secret. N’ayant pas parlé, il sera envoyé en octobre 1943 au camp d’internement de Royallieu, le Frontstalag 122, là où près de 50 000 hommes séjourneront entre 1941 et 1944, avant d’être déportés en Allemagne dans le système concentrationnaire nazi.

Après 3 mois d’internement, il fera partie d’un convoi avec 1942 autres hommes entassés dans des wagons à marchandises, à raison de 100 par wagon, destination l’Allemagne.

Le convoi part de Compiègne le 17 janvier 1944 et arrive au camp de concentration de Buchenwald le 19, après 2 nuits et 2 journées ½ de terribles souffrances. Sur les 1943 hommes du départ, 935 seulement reviendront de l’enfer concentrationnaire en 1945.

Les SS lui attribueront le matricule 41 096, numéro qui demeurera durant les 16 mois de déportation, son seul moyen de reconnaissance. Un être humain devient un numéro au même titre qu’une chaise, un véhicule ou un chien, bien que les chiens dans les camps étaient choyés et bien alimentés pour mordre et terroriser les déportés.

Après trois semaines passées dans les « blocks » de quarantaine du « petit camp » de Buchenwald et avoir subi les plus atroces traitements : le rasage en entier, le portage des pierres à la terrible carrière, les piqûres qui faisaient peur, les coups incessants. Après ces souffrances physiques et morales et la brutale découverte du système concentrationnaire, il répond un jour à une question des SS et se dit spécialiste « Tourneur » ; pourquoi pas, à 16 ans, son expérience ne pouvait être que limitée, mais il est inscrit.

Avec 600 autres français, le 10 février 1944, il est transféré en camion au « kommando » de Dora dépendant du KL Buchenwald. Il entre dans le tunnel de Dora et est immédiatement contraint au travail forcé pour le creusement du tunnel, là où l’on meure très vite : 12 à 14 heures de travail sans arrêt, quelques heures de sommeil seulement, une nourriture très insuffisante, pas d’hygiène, dans une ambiance humide et empoussiérée, à 12° en permanence et des brutes, des bourreaux qui font régner la terreur, leur but étant de déshumaniser les hommes pour mieux les contraindre aux travaux forcés jusqu’à la mort programmée entre 3 et 6 mois.

Son état de « Spécialiste-Tourneur » ayant été retenu, Christian passera en juin 1944, après trois mois de percement du tunnel avec marteau-piqueur, à l’usine de montage des fusées V2 où il travaillera sur un tour automatique.
Ce nouveau traitement lui permettra d’être un peu épargné des brutalités des SS durant les temps de travail, car l’armée d’Hitler avait un grand besoin de spécialistes qualifiés pour fabriquer à tout prix ces fusées qui devaient lui assurer la victoire en écrasant les populations et les armées ennemies.

En juin 1944, les déportés sont enfin logés dans des baraques au camp extérieur au tunnel. Christian retrouvera l’air libre et le soleil après quatre mois d’un terrible enfermement qui entrainera la mort de milliers d’hommes.

Durant dix mois, Christian survivra à la barbarie de l’enfer concentrationnaire nazi, et plus particulièrement à celui du tunnel de Dora, dit « tunnel de la mort » ou encore « tombeau des Français » ou aussi " Dora la mangeuse d'hommes ".

Sur 50 000 déportés à Dora, environ 15 500 hommes y sont morts, en deux ans. L’hiver 1944-1945, les appels très longs dans le froid et la neige, la désinfection de février 1945, où les hommes se sont trouvés nus par -20° durant une journée, entraineront une très forte mortalité.

Christian, à force de volonté et d’une indéfectible envie de vivre, (à 18-19 ans il voulait connaître la vraie vie d’adolescent), a survécu aux seize mois d’enfermement déshumanisé dans cet univers de terreur : il se disait que chaque minute gagnée était une victoire sur les bourreaux nazis.

Les 3, 4 et 5 avril 1945, alors que les armées Russes et Alliées libèrent chaque jour des territoires et des camps, les nazis évacuent Dora avec leurs prisonniers. Le 5 avril Christian et ses camarades sont entassés dans des wagons découverts, des bennes à charbon du dernier train qui part vers le nord. Un bombardement par des avions alliés détruit la locomotive et la gare où ils se trouvent, stoppant ainsi la fuite.

Les déportés sont rassemblés par groupe de 100 et commence alors pour Christian une ultime et terrible étape, « une marche de la mort » qui le conduira à travers champs et chemins, tantôt vers le nord, tantôt vers l’ouest en fonction de l’avancée des armées de libération. Il découvrira l’horreur du camp de concentration de femmes de Ravensbrück ; après quelques jours de « repos » dans ce camp, dus à l’incertitude des nazis face à l’avenir, la marche reprendra de plus en plus mortifère pour des hommes qui souffrent dans tout leur corps et qui n’ont pas mangé depuis des jours, si ce n’est que limaces, insectes ou de l’herbe !
Tout homme qui ne pouvait se lever et marcher était immédiatement abattu ; il ne fallait pas laisser de témoins !

Lors des évacuations des 3, 4 et 5 avril 1945, les SS sont partis avec les déportés, ceux-ci devant servir, selon eux, de boucliers humains ou de monnaie d’échange face aux alliés ; mais c’est dans une totale désorganisation, sans commandement, qu’ils ont erré avec les détenus devant l’avancée rapide des Russes et des Alliés, pour finalement essayer de se dissoudre parmi eux afin d’échapper à leurs vainqueurs. Ces évacuations et les marches
de la mort, auront fait 11 000 morts en quelques semaines.

Durant l’ère Mittelbau-Dora, le tragique bilan sera de 26 500 morts ; 15 500 morts au camp et 11 000 morts durant les évacuations pour un effectif total d’environ 50 000 déportés.

Enfin, c’est fin Avril, dans un petit village près de l’Elbe, que l’armée Russe le libérera avec deux autres déportés avec qui il avait pu se cacher en attendant les libérateurs. Ils traverseront l’Elbe, pour revenir vers l’ouest où l’armée Américaine les prendra en charge. Ils seront désinfectés, soignés, nourris, traités humainement, bien qu’ayant dû répondre à des interrogatoires contraignants, car des SS « déguisés » en déportés s’étaient glissés parmi eux pour se faire oublier.

Christian aura l’opportunité de rentrer en France dans les jours qui suivront à bord d’un train toujours composé de wagons de marchandises, mais cette fois, équipés de tables, bancs et paillasses où ne s’entassent pas 100 êtres humains.

C’est après un périple de plusieurs jours à travers l’Allemagne, les Pays-Bas, et la Belgique qu’il rentrera en France à Charleville où après de nouveaux interrogatoires serrés, un train le conduira à Paris et l’Hôtel Lutetia.

Après une semaine de soins et de démarches administratives pour lui redonner son identité française et faire valoir son passé de Déporté-Résistant après des autorités civiles et militaires, il arrive en homme libre à la gare de Compiègne, 17 mois après l’avoir quittée en tant que « terroriste » selon les nazis et le gouvernement collaborationniste de Pétain.

Il faudra plus d’une année à Christian pour récupérer des séquelles psychiques et physiques accumulées lors des seize mois vécus dans l’enfer des camps nazis, il soignera une plaie au poumon, des atteintes de typhus et reconstruira le corps d’athlète qu’il avait en juillet 1943.

En 1947, muni du grade de sous-lieutenant que lui avait attribué le ministère de la guerre en reconnaissance de ses états de service dans la Résistance, il s’engagera dans l’armée et servira durant cinq ans en Afrique Centrale afin de changer d’air et de mettre de la distance avec ce passé si prégnant.

En 1952, de retour en France il rencontrera, à Grenoble, celle qui est devenue son épouse, ils auront deux enfants et s’établiront en Savoie, à Chambéry au milieu des années 50 où ils vivaient toujours.

Alors qu’il n’avait jamais parlé de son passé de résistant et de déporté, c’est en 1988, à la demande de son petit-fils et de l’une des professeurs de celui-ci que Christian est venu apporter son témoignage devant des collégiens.

Depuis il n’a cessé de témoigner auprès des jeunes et des moins jeunes dans le cadre du concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD) auprès des collèges et lycées ou lors de conférences publiques.

Durant ces trente dernières années, ce sont plusieurs dizaines de milliers de collégiens et lycéens qui ont entendu son précieux témoignage.

S’il témoigne sur son passé, il adresse également des mises en garde contre les attaques de la démocratie et de nos libertés par les extrémistes et prodigue tous ses encouragements à ces jeunes gens, les citoyens responsables de demain qui devront lutter contre la montée des fanatismes, du racisme et de l’antisémitisme.

Christian Desseaux était Commandeur dans l’Ordre national de la Légion d’honneur et Chevalier dans l'Ordre des Palmes académiques, et titulaire de la Croix de Guerre 1939-1945, de la Croix du Combattant volontaire de la Résistance, de la Croix du Combattant, de la Médaille de la Déportation pour faits de Résistance.

Christian Desseaux est l'auteur du livre :
" Dora, le tunnel de la mort "

Christian avait remis à notre UNADIF-FNDIR de l'Oise sa biographie lors de sa venue au mémorial de Royallieu il y a trois ans.

Son inhumation aura lieu le samedi 13 avril à 16h30 au cimetière de Saint-Alban-Leysse.

L'ensemble de nos membres présente à sa famille ses plus sincères condoléances, et plus particulièrement à notre ami Serge son neveu, présent à toutes les cérémonies patriotiques du Compiégnois.

Gérard Bocquery
Président UNADIF-FNDIR de l'Oise

 

 

Témoignage de Christian Desseaux  :

https://asso-buchenwald-dora.com/temoignage-de-christian-desseaux/?fbclid=IwAR0c-oTCSA9wUZDjQs3ygUNReoE3l2ReLdXoRTWT15hYJdnqT1FpFLLN_VU

 

https://www.ledauphine.com/savoie/2019/04/11/challes-les-eaux-christian-desseaux-resistant-deporte-de-buchenwald-dora-est-decede-ne-en-1926-a-margny-les-compiegne-dans-l-oise-commandeur-de-la-legion-d-honneur-titulaire-de-la-croix-de-guerre-39-45-de-la-medaille-de-la-resistance-de-la-croix-de-combattant-volontaire-de-la-resistance?fbclid=IwAR0jnxLhoJyRPgmpjw-R19rqKyW2S-75nSkmOekh6B1N5EGIlZ2uJPq47OM

 

 

UNADIF - FNDIR