Auguste VERCEY

 

Un 18 juin pas comme les autres


Il y a quelques jours, le 18 juin, je me trouvais, avec beaucoup d’autres, sous l’Arc-de-Triomphe et je faisais part à Jean-Marie MULLER de mon inquiétude au sujet de la santé d’Auguste VERCEY.
Et, dans la soirée, j’apprenais avec une grande peine son décès à Dole … le 18 juin ! quel symbole, s’agissant d’un Gaulliste de la Première heure !


Auguste VERCEY, dit « Gugu », a 18 ans en 1941. Il réside dans le Jura à Chaussin, en zone dite libre, alors qu’il travaille à Tavaux en zone occupée, ces deux gros bourgs étant séparés par le Doubs.
A ce titre, il a obtenu un «ausweis » qui lui permet de franchir chaque jour le Pont de Peseux. Très vite, il fait partie d’une équipe qui fait passer, de nuit, la ligne de démarcation à des fugitifs de toute sorte.


Gugu connaît très bien le Doubs où il s’est baigné et où il a taquiné le goujon dès son plus jeune âge, aussi devient-il un passeur très efficace.
Mais, bientôt, il passe à la vitesse supérieure en entrant en octobre 1942 dans le réseau Buckmaster dirigé par Raymond LAZZERI et spécialisé dans le renseignement, notamment au sujet de la base aérienne allemande de Tavaux.


Jusqu’au jour où, sur dénonciation, le réseau César du 90 tombe dans les mailles de la Gestapo. Après LAZZERI, c’est le tour de Gugu et de son camarade d’Asnans, Marcel PERNIN d’être arrêtés et emmenés d’abord à Dijon puis à Compiègne–Royallieu au mois d’août, avant d’être déportés en septembre vers Buchenwald.


En hommage à Gugu, qui n’était plus pour moi un camarade, ni un ami, mais qui était devenu un frère, et en souvenir des liens très forts qui s’étaient créés entre nous et entre nos familles, voici un extrait d’un récit que j’avais confié à la revue « Le Jura français » en 2005 :


“Berlstedt : la providentielle rencontre avec deux Jurassiens” :


Quant à moi, avec une trentaine de Français et de Belges, je suis affecté à Berlstedt, petit kommando situé à quelques kilomètres en contrebas du camp, dans la plaine.
Nous y sommes conduits à pied, encadrés par des SS et guidés par un Kapo allemand qui est accompagné d’un âne tirant une charrette.


Berlstedt est un petit village de Thuringe, à côté duquel se trouve un Kommando entouré de barbelés électrifiés travaillant pour la Dest (Deutsche erd und steinwerke), élément de l’empire économique des SS, chargé des carrières et briqueteries de tous les camps de concentration.


Il s’agit d’une carrière d’argile, immense fosse alimentant une briqueterie. Bien entendu, les nouveaux arrivants sont affectés à la carrière. Travail très dur - pelle, pioche, wagonnets -, aggravé par l’hiver qui approche.
Berlstedt, considéré par Kogon (1) comme un des Kommandos les plus durs de Buchenwald, a un aspect paradoxal.
On n’y meurt pas. Si on se révèle inapte à ce travail de forçat, on est renvoyé au grand camp et advienne ce que pourra.


Parmi ceux qui tiennent le coup et restent à Berlstedt jusqu’en avril 1945, figurent deux Jurassiens : Marcel Pernin, originaire d’Asnans, et Auguste Vercey de Chaussin.
Marcel a 24 ans, il est marié et père d’un fils. Auguste, dit Gugu, a 20 ans, il est célibataire comme moi qui ai 23 ans. Marcel a hérité du matricule 21 009 et Gugu du 21 123.
Immédiatement, une étroite solidarité se noue entre les deux Jurassiens et moi, Franc-Comtois de Paris. Un égal attachement à notre chère province, à laquelle nous lient des souvenirs communs, nous unit, sentiment renforcé par un patriotisme viscéral, sublimé en un gaullisme instinctif.
J’avais été arrêté une première fois à Marseille en mars 1941, puis à Paris en mars 1943. Marcel et Gugu avaient été arrêtés dans le Jura, sur dénonciation, avec de nombreux camarades de réseau à Dole, Poligny et Chaussin.
C’est ainsi que le trio franc-comtois réussit à survivre, en s’entraidant, en s’épaulant, en se réconfortant dans la fidélité à leurs grandes et petites patries.


Epilogue


Je me retrouvai seul avec Gugu qui souffrait d’un érysipèle, Marcel se retrouva avec un autre groupe.
Après avoir dormi deux jours dans une grange, nous fûmes transportés dans un “Evacuation Hospital” installé dans une école à Cham.


Depuis, à chaque grandes vacances, les trois survivants se retrouvaient, fraternellement, en Franche-Comté jusqu’en 1989, où Marcel fut victime d’un arrêt cardiaque.
Les deux derniers maintiennent la tradition, tant qu’ils le pourront... !


François Perrot

 

(juin 2013)

 



(1) Déporté autrichien à Buchenwald, auteur du livre “Der SS Stat” (traduit en français sous le titre de L’Enfer organisé) qui fait autorité en la matière

 

 

 

 

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