André GIRARD

Notre ami, Jean-Paul Blanc, vice-président de l’ADIF-FNDIR de l’Isère nous informe du décès d’André Girard, Interné-Résistant, survenu le 11 février 2015, à l'âge de 89 ans.

André Girard avait appartenu au Mouvement Combat, puis à l’Armée Secrète de l’Isère (secteur 4), dont le capitaine Aimé Requet avait détruit la caserne de Bonne à Grenoble le 2 décembre 1943.

André Girard était titulaire de la Médaille des évadés, il n'a jamais souhaité d'autres décorations.

 

 

Allocution prononcée à Tréminis le 13 février 2015, lors des obsèques d'André Girard, Interné de la Résistance.

 

 

Mesdames, Messieurs...

 

Nous sommes réunis autour d'André Girard, enfant de Tréminis, que les sursauts de l'histoire ont amené à un destin peu ordinaire.

Né dans ce village le 9 janvier 1926, il y a passé une enfance "ordinaire" avec ses parents et son demi frère, Daniel, de 7 ans son aîné. Son père exploitait une petite scierie.

C'est lorsqu'il est adolescent que survient la Seconde Guerre mondiale, mais tout cela aurait pu lui paraître bien éloigné...

Très vite, après la défaite de juin 40 et l'armistice signé par Pétain, la voix du refus prend corps. D'abord presque confidentielle, elle montera bientôt en puissance.

La Résistance s'organise partout et c'est à partir du printemps 43 que se constitue à Tréminis, un camp installé au lieu dit "Le Nid".  Ce camp qui fait partie de l'organisation "maquis Prévost", est constitué de membres qui viennent de toutes les régions de France et même au delà, toutefois, son installation s'est largement appuyée sur la population locale. A ce titre, Alfred Girard, le père d'André, le garde forestier Jean Tref, la famille Barthalais, mais aussi d'autres familles du village ont apporté une aide déterminante.

Dans la même période s'installe aussi, dans une autre vallée de la commune, un autre camp, le camp des protestants, constitué par des étudiants de la faculté de théologie protestante de Montpellier et qui ont, eux aussi, bénéficié d'aide en particulier dans la communauté protestante.

La famille Girard s'implique donc et en lien avec leurs cousins de Pellafol, eux mêmes engagés dans la Résistance.


C'est à la date du 19 octobre 1943 que tout bascule.

En ce matin pluvieux, au petit jour, les colonnes allemandes (on parle de 200 soldats) investissent Tréminis guidées par un traitre.

Les deux camps sont attaqués, les maquisards sont surpris et tout s’effondre en quelques minutes.

Un maquisard est tué, 9 sont arrêtés les armes à la main.

Dans le village, 7 personnes sont aussi appréhendées parmi lesquelles Alfred Girard dès l'aube. Plus tard, dans la journée, André se rendra aux Allemands afin de faire libérer son père.

Les prisonniers sont ensuite transférés à la Gestapo cours Berriat à Grenoble.

Dans la  cellule qu'il partage avec Jean Tref, un maigre repas leur est servi 1 fois par jour.  Ils subissent alors de nombreux interrogatoires dans les conditions que l'on imagine !

 

Le 19 novembre, c'est le départ pour le camp de Compiègne.

C'est durant ce séjour qu'avec quelques camarades, ils décident de préparer leur évasion. Ils réussissent à arracher la fermeture métallique d'une fenêtre, à la cintrer et à la dissimuler dans leurs chaussures.

Après 2 mois à Compiègne, le 19 janvier 1944, c'est le départ pour l'Allemagne et le camp de Buchenwald, André vient tout juste d'avoir 18 ans !

Le convoi quitte Compiègne pour Reims. C'est à ce moment-là que la décision est prise de tenter de desceller la lucarne du wagon. Après une journée de travail à se relayer, la lucarne cède. A 3 h du matin, peu après la gare de Longwy, c'est l'évasion, les 4 camarades sautent tour à tour suivis par d'autres.

Très vite s'apercevant de l'évasion, le convoi stoppe et les mitrailleuses "arrosent" abondamment les abords de la voie. 4 fuyards sont tués, d'autres sont repris.

André se retrouve avec 2 camarades en pleine nuit au Luxembourg. Ils décident alors de repasser la frontière en évitant les voies ferrées, les axes routiers et tous les points gardés. Après une nuit et une journée de marche, n'ayant rien mangé depuis le départ de Compiègne sauf quelques betteraves trouvées dans un champ, les fugitifs sont totalement épuisés. Ils rencontrent alors un agriculteur qui malgré les risques, les héberge pendant 2 jours et leur donne à manger.

Sur son conseil, ils vont alors prendre un train pour gagner Bar-le-Duc alors qu'ils n'ont bien évidemment aucun papier d'identité. La chance leur sourit, aucun contrôle !

De là, ils vont devoir traverser la Meuse et le canal de la Marne au Rhin alors que tous les ponts sont gardés. Ils vont essuyer plusieurs tirs lors de différentes tentatives. Après de multiples péripéties, ils arrivent à Treveray, village de la Meuse, où vit la soeur de l'un d'entre eux.

Deux jours plus tard, celle-ci partira pour Grenoble avec son bébé de quelques mois afin de prendre contact avec les familles des fugitifs, de ramener faux papiers d'identité et argent. C'est Léon Allard, oncle d'André qui viendra à Tréminis pour faire établir de faux papiers à la mairie.

Quelques jours plus tard, avec argent et papiers d'identité, les 3 camarades partent pour Grenoble.

Voyage particulièrement éprouvant, émaillé de nombreux contrôles d'identité, épuisants nerveusement !

A partir de Grenoble, André est ramené à Tréminis par des amis de son père.

Nous sommes le 7 février 1944. André disait, et on le comprend "ce jour là, je ne l'oublierai jamais".

 

Cet hommage que nous rendons aujourd'hui à André Girard, nous  le rendons à un homme qui, très jeune encore, a su s'engager au moment où le fascisme tenait l'Europe entre ses griffes.

Alors qu'il aurait été tellement facile d'essayer de se débrouiller dans ce petit village, de faire montre d'indifférence pensant qu'il n'y pouvait rien, il a fait partie de ceux qui ont décidé, à leur place et selon leurs possibilités d'agir pour la liberté.

La peur terrible qu'il a su surmonter, le courage dont il a fait preuve, l'engagement qui a été le sien nous montrent qu'une vie simple peut être utile par les actes accomplis et les traces laissées.

N'oublions jamais que la liberté est un combat permanent, aujourd'hui autant qu'hier.

Son attitude et les épreuves qu'il a endurées forcent notre respect

 

 

 

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UNADIF - FNDIR